Travaillant avec beaucoup de jeunes entrepreneurs, et malgré une très forte tendance à la procrastination sur ce sujet qui touche à l’argent, au droit et à la propriété (booh…), nous avons trouvé nécessaire de clarifier notre modèle de rémunération et en quoi ce modèle protège tout le monde, le créateur, l’agence ET le client.
Comment se rémunère une agence qui créé des marques…
C’est très simple. Notre rémunération se décompose en deux parties :
- des honoraires, qui correspondent au travail de création
- des droits, qui correspondent à l’exploitation de la création
Comment sont évalués les honoraires
Les honoraires sont basés sur le temps de travail estimé pour réaliser notre mission. L’unité horaire est en fonction :
- de la taille de l’agence : une grande agence est plus chère qu’une petite
- de son implantation : Londres est plus chère que… La Gaude
- du professionnel qui va travailler sur votre projet : stagiaire, débutant ou senior
- de la complexité de la mission
A quoi correspondent les droits ?
Les droits, et pour être précis, les droits d’auteur, se décomposent en deux grandes catégories :
- les droits moraux : ils sont incessibles
L’article L.121–1 du code de la propriété intellectuelle interdit toute cession des droits moraux (droit de paternité, droit de divulgation, droit au respect de l’œuvre). L’auteur restera donc toujours titulaire des droits moraux sur l’œuvre. - les droits patrimoniaux : ils sont cessibles
Les droits patrimoniaux, ou droits d’exploitation, sont cessibles et c’est ce qui est important pour vous, acquéreur de la création. Ils se divisent en 2 catégories :- le droit de reproduction
- le droit de représentation
Pourquoi la cession des droits patrimoniaux vous protège
C’est la loi, le cadre juridique de la propriété intellectuelle : une œuvre, qu’elle soit de commande ou pas, ne peut être reproduite sans l’accord écrit de son auteur.
Il est donc très important pour vous qu’il y ait un contrat ou une clause de cession dans le contrat général stipulant que l’auteur vous cède tout ou partie de ses droits patrimoniaux sur l’œuvre. Vous êtes alors titulaire des droits cédés et vous pouvez agir en contrefaçon.
Pour être valable, une cession de droits doit être extrêmement précise. L’article L131‑3 du code de la propriété intellectuelle exige que la cession de droits mentionne distinctement “chacun des droits cédés” et que “le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée”. Ce qui signifie qu’il faut mentionner :
- Les créations concernées
- La durée de la cession (qui ne peut être illimitée. C’est 70 ans après la mort de l’auteur ou 70 ans après la divulgation si l’oeuvre appartient à une personne morale, société ou association)
- L’espace d’utilisation (zone géographique)
- L’étendue d’utilisation (types de supports, leur visibilité, fréquentation ou audience)
- Si la cession est exclusive ou non
Attention…
La mention “tous droits cédés” n’a pas de valeur juridique et ne vous confère donc aucun droit.
La notion “libre de droits” n’existe pas en droit français. idem, elle ne vous confère donc aucun droit.
Les contrats qui prévoient une cession de droits pour tous les modes d’exploitation, tous les supports, ad vitam aeternam et pour le monde entier sont léonins et encourent la nullité.
Comment sont évalués les droits d’exploitation
Le calcul des droits est :
- soit proportionnel à la valeur créée
- soit forfaitaire lorsque l’appréciation des bénéfices de l’exploitation est difficile.
Pour le calcul des droits comme pour le calcul de nos honoraires, nous nous référons au CalKulator.com, le guide de tarification pour designers et clients. Le Calkulator est utilisé par les praticiens du design (dont 14 % de membres de l’Alliance Française des Designers), des conseils, des avocats, des clients du privé ou des collectivités locales et territoriales. Les critères retenus par le Calkulator sont :
- l’exclusivité
- l’espace d’utilisation : régional, national, Europe ou Monde
- la durée d’utilisation*
- l’étendue d’utilisation / visibilité : faible, moyenne, forte ou très forte
En fonction de l’ampleur de l’utilisation de l’œuvre, ces droits peuvent donc être supérieurs aux honoraires de création.
*Petit conseil : Les logotypes et chartes visuelles sont re-designés régulièrement. Il est donc absurde de demander une cession de longue durée, forcément plus onéreuse. Votre intérêt est de faire une évaluation réaliste de la durée de vie de la création et de renouveler la cession de droits si nécessaire.
Pourquoi payer pour disposer des droits d’exploitation ?
La contrepartie financière est le principe de base d’une entreprise commerciale et la condition de sa pérennité : l’acquéreur donne quelque chose, généralement une somme d’argent, en échange d’un bien ou d’un service…
Par ailleurs et pour faire une analogie, on comprend très bien qu’un chercheur soit rémunéré pour son temps de travail PUIS pour l’exploitation de son brevet (même si les royalties sont partagées avec son centre de recherche ou d’autres chercheurs). On le comprend aussi d’un photographe, d’un musicien : ils reçoivent des droits d’exploitation…
C’est la même chose pour une création de marque : l’acquéreur achète le travail de création (les honoraires) PUIS la possibilité d’exploiter cette création (la cession des droits patrimoniaux) en échange d’une contrepartie financière.
Et dans votre cas…
Il nous arrive souvent de soutenir des causes humanitaires en travaillant pour des honoraires et droits symboliques ou même pro bono.
Hors de ce cas particulier, il s’agit, pour nous, autant que pour nos clients, de trouver un juste équilibre entre viabilité économique (pour vous, comme pour nous), qualité délivrée et impact de la marque.
Nous pourrions passer cette question des droits sous silence, diminuer notre engagement ou augmenter nos honoraires. Et vendre plus facilement.
Nous avons choisi de faire figurer les honoraires et les droits distinctement pour être dans une relation transparente et pour vous protéger.
“Le côté obscur de la cession de droits, redouter tu dois.” Yoda
Références :
- ADAGP
- Alliance Française des Designers
- Calkulator
- Legavox
- Maître Yoda
- INPI : le droit d’auteur